Journal de Bord du Roadtrip aux USA

Jour J:

Ca y est, c’est midi, l’heure d’aller chercher la voiture de location chez Budget, New Orleans. Et là, la surprise : alors que j’évoquais avec l’adorable personne au guichet le rêve que nous avions, Teodros et moi, de faire ce roadtrip en pick-up à l’américaine, mais que notre budget ne nous le permettait pas, elle cherche dans sa machine de ses longs ongles manucurés qui cliquètent joliment sur les touches, fronce les sourcils une ou deux fois, s’absente pour aller vérifier le parking, passe un appel à un collègue, et raccroche avec un grand sourire en me disant qu’il y en a un disponible dans une autre agence, qu’il a juste besoin d’une vidange et que si je patiente une heure, je pourrai repartir avec pour quelques dizaines de dollars en plus. C’est Teodros qui va être surpris en me voyant revenir avec autre chose que la berline toute bête réservée !

C’est parti pour 27 jours de route !

 

 

Jour J à J + 2: Louisiane

Point de chute: Hammond

Distance parcourue en Louisiane: 450 miles environ, soit 725 km environ

 

Après dix jours à la Nouvelle Orléans, on ne reste que deux jours sur la route en Louisiane, juste le temps de découvrir Hammond, ses maisons toute proprettes bien rangées sur le bord de la route; les Interstates aves leurs ‘gas exit’, ‘food exit’ et lodging exit’; la Natchez Trace Parkway, longue, sinueuse et tellement agréable à suivre. Ca fait toute la différence d’être en voiture pour visiter un pays, c’est déjà l’impression que ça m’avait donné en Inde et en Turquie, ça se confirme ici. Et puis le pick-up est vraiment agréable à conduire, pas trop lourd, réactif si besoin, ‘automatic’, parfait !

 

Jour J + 2 à J + 7: Mississippi

Point de chute: Ridgeland

Distance parcourue au Mississippi: 570 miles environ, soit 920 kms environ

 

Parfait, le pick-up, c’est vrai, mais en même temps, la route, c’est la route et je fatigue plus vite que je ne l’avais escompté. Alors pour nos quelques jours dans le Mississippi, on reste plus tranquillement autour de notre point de chute, Ridgeland. On a choisi de dormir dans une chambre chez l’habitant pendant le roadtrip. A Ridgeland, nous sommes hébergés chez LaVada et sa fille Jocelyne qui nous accueillent gentiment et nous font profiter de moments privilégiés:

  • un petit-déjeuner à l’américaine, avec des saucisses de cerf que son ami John, chasseur, fait préparer avec les cerfs qu’il chasse: délicieuses !
  • un dîner barbecue chez ses amis John et Lorraine, des gens du Sud très ancrés dans leur territoire et absolument charmants;
  • un brunch avec Jama, une jeune fille afro-américaine de passage qui travaille pour une université (j’ai oublié laquelle). Dans cette université, il y a un service ‘Reparation to Descendent of Slaves’ qui aide financièrement, au cas par cas, les étudiants identifiés comme étant descendants d’esclaves par le service ‘Admission’ de l’Université. Parce que ce n’est un mystère pour personne que ce pays (I quote) ‘has been built on anti-blackness’ …

 

Jour J + 7 à J + 12: Tennessee

Point de Chute: Entre Lyles et Centerville

Distance parcourue au Tennessee: 890 miles environ, soit 1430 kms environ

 

… ce qui nous a tout naturellement préparé à considérer d’un oeil différent la visite au ‘Civil Rights museum at the Lorraine Motel’ à Memphis (voir l’article sur Memphis pour plus de précision sur cette visite).

Au Tennessee, on atterit à la campagne, entre deux petites villes, dans une charmante maison avec plein de gens différents, chez l’habitant une fois de plus. Qui dit campagne dit cerfs qui viennent brouter dans le jardin à la tombée de la nuit, avec des lucioles qui leur tournent autour. Qui dit campagne dit aussi trajets pour aller à Nashville (presque 2 heures) et Memphis (plus de 3 heures). Et donc une journée de calme au milieu, à chercher les routes de campagne, se perdre, chercher fébrilement de l’essence, s’arrêter manger dans des petite cafés qui ne font que des hamburgers dans des boîtes à emporter mais ont un chapeau de chef sur leur devanture et se bombardent ‘restaurant’ … Bref, si vous êtes dans le coin, évitez ‘The Other Place‘, cherchez plutôt un Autre Endroit (ne vous laissez pas avoir par leur site internet, ils n’ont pas d’assiette !).

 

Jour J + 12 à J + 17: Alabama

Point de chute: Northport

Distance parcourue en Alabama: 860 miles environ, soit 1385 kms environ

 

La route est agréable entre le Tennessee et l’Alabama, les routes et les voies sont larges aux Etats-Unis,  de 2 voies minimum, et jusqu’à 7 voies ! Alors même si il y a du trafic, il y a de la place pour tout le monde. Une habitude que j’ai du mal à prendre par contre: rester sur ma voie de circulation. J’ai tendance à me rabattre systématiquement à droite. Or les voies de droite ne sont par réservées aux véhicules lents ni les voies de gauche pour les véhicules rapides ou pour ceux qui doublent. Ca doit en décontenancer certains, mais personne ne klaxonne dans ce pays, alors c’est difficile à dire. Ce qui me décontenance, moi, c’est d’être doublée de tous les côtés, à droite et à gauche: eh oui, j’ai la faiblesse de respecter la limite de vitesse sur les Interstates (70 miles per hour), on n’est pas nombreux …

En Alabama, on est hébergé à Northport, pas très loin de la zone commerciale et industrielle. Super pratique pour faire de l’essence ou rallier les Interstates, moins pratique quand on cherche son chemin et qu’on ne sait pas 500 m avant de changer de direction si il va falloir tourner à droite ou à gauche: il y a souvent 4 voies voire plus à traverser avant de prendre la file qui tourne, mon co-pilote a besoin d’affiner son sens des distances et des indications précises en amont … He is working on it, we are getting there !

 

Jour J + 17 à J + 22: Georgia – North Florida

Point de Chute: Talahassee (qui signifie ‘Vieille Ville’ en langue des Indiens Séminoles)

Distance parcourue en Géorgie et au Nord de la Floride: 610 miles environ soit 980 kms environ

 

Le sud de la Géorgie, comme ses voies de communication, est d’une douceur, d’une tranquillité extraordinaires avec ses grandes avenues bordées d’arbres centenaires qui laissent leur ‘spanish moss’ (une plante symbiotique) s’agiter doucement au gré de la brise ou crouler sous la chaleur humide (‘it is a himidity you can actually wear’ comme dit Jim, notre hôte à Talahasssee), et leur donner un air à la fois tellement romantique et un peu effrayant: on se croirait un peu dans un film d’horreur ancien plein de fantômes de jeunes femmes tristes et pâles qui se perdent dans des brumes mouvantes, et sans toute l’hémoglobine, les hurlements et la fureur des films de série B actuels. C’est un endroit où il fait bon rouler pas trop vite, en empruntant une nouvelle route à chaque embranchement, en se délectant des coins d’ombre, des enfilades de maisons au charme incomparable, des vieux pick-up rouillés au bord de la route, des vieilles Ford Mustang qui s’arrêtent encore aux pompes à essence, de la multitude d’églises plus ou moins grandes, plus ou moins luxueuses.

Le long de la route 319 que l’on a beaucoup emprunté, d’anciennes plantations laissées à l’abandon après la Guerre Civile (1865) ont été restaurées et exposent leurs porches aux fauteuils à bascule qui semblent vous attendre, leur pelouse proprette, leurs colonnades blanches sur leurs façades claires.

C’est d’un charme inouï qui transpire autant que nous, et ce n’est pas peu dire !

 

Jour J + 22 à J + 27: Florida

Point de chute: Naples

Distance parcourue en Floride (Sud): 500 miles environ, soit 800 kms environ

 

Alors il y a deux façons de faire un roadtrip au Sud de la Floride:

  • soit on choisit les zones urbanisées, ultra léchées, propres sur elles, avec pas un seul brin d’herbe qui ose dépasser, les énormes centres commerciaux qui se succèdent les uns après les autres sur des avenues immenses à 6 voies minimum, les palaces qui se veulent pseudo-méditerranéens, les limitations de vitesse drastiques qui permettent aux personnes âgées (une grosse majorité de la population locale non immigrée) de traverser sans risquer de se péter une hanche, les parkings aussi rares que chers, tout ça hyper climatisé (sauf les parkings extérieurs quand même, il ne faut pas charrier …);
  • soit on roule jusqu’à trouver des zones non urbanisées, essentiellement dans les parcs nationaux donc, essentiellement dans les Everglades donc, et là encore, on subit une organisation de l’espace très stricte, avec emplacements prévus pour admirer la faune sauvage, zones de pique nique, et même quelques pistes en terre qui traversent une partie des marécages et qui donnent un peu l’impression d’être un peu plus authentique dans sa découverte de la faune et de la flore … Mais les à côtés de la route sont aussi tondus au millimètre, bref, la différence essentielle avec l’autre façon de découvrir ce coin, c’est l’absence de climatisation …

Bon, mais j’arrête de faire ma française moyenne râleuse et j’avoue que pour tout ce qui concerne la conduite, en Floride comme dans le reste du pays, c’est extrêmement confortable, bien indiqué, facile à repérer à l’avance.

Et oui, on a croisé plein d’alligators placides, et des oiseaux à foison.

Et oui, on a réussi à emprunter une petite route longeant une immense propriété agricole avec des serres à perte de vue, toutes vides, et les baraquements prévus pour les ouvriers agricoles immigrés dignes de baraquements militaires, sans climatisation apparente et avec signalisation bilingue anglais / espagnol sur les règles à suivre pour y vivre. Cet endroit ne relevait ni de la première catégorie ni de la deuxième, c’était plutôt un espèce d’entre-deux peu visible aux touristes qui ne sont pas censés arriver jusque là, et qui se cache derrière la prospérité de la Floride et sa production agricole.

 

J + 27 et J – 1 avant le départ, avant le retour:

C’est là que s’arrête notre roadtrip, et c’est un crève-coeur! Et si on s’enfuyait, si on roulait sans s’arrêter, jusqu’au bout de la route ? A la Thelma & Louise (mais sans le ravin à la fin) ? Et si on recommençait tout au lieu d’en terminer avec ce voyage ? Et si vous veniez avec nous ?

 

 

Laisser un commentaire